1884-12-30

Paris le 30 Decembre 1884

Cher Monsieur

Malgré les difficultés qu'elle me fait presenter, votre dernière lettre ne me trouble nullement.
Je sais par expérience que les choses ici bas ne sont jamais toutes seules et qu'il faut toujours de grands efforts pour triompher des obstacles qui naissent invariablement sous les pas d'un homme qui poursuit un but.
Grace à votre dévouement dont je ne pourrai jamais me montrer assez reconnaissant tout s'aplanira s'il est possible que cela s'aplanisse; et si nous réussissons pas j'aurais toujours le bonheur de conserver dans mon coeur le savoir de vos efforts et des preuves reitérées de la bonne et précieuse estime doublée d'amitié que vous voulez bien me témoigner en cette circonstance comme dans toutes les autres.
s. 2
En tout cas il n'y a pas pour moi d'autres parts a prendre que d'attaquer vivement; et la vraie manière, c'est de faire une esquisse inspirée des renseignements que vous avez bien voulu vous donner la peine de me détailler longuement, cette esquisse une fois faite je vous l'adresserai et si elle vous plaît elle aura peut être quelque chose de plaire aussi aux intéressés. Ne vous fournit -elle du reste que l'occasion de reparler à sa Majesté de l'affaire que ce serait déjà beaucoup. Je ne compte pas vous le pensez, bien sur la séduction que peut produire mon ébauche mais uniquement sur votre appui si autorise et si chaleureux.
Je vais me mettre a l'oeuvre après m'etre bien pénétré de la physionomie de Sa Majeste, de cet air particulier de mélancolie craintive et douloureuse provenant des perpetuelles appréhensions qui l'oppriment sans pourtant que ce caractère intime que vous n'avez révélé couvre et atténué celui de la majeste relativement impossible qu'ùne souveraine s'efforce toujours de conserver et qu'il est du devoir d'un statuaire de reproduire.
Et maintenant voulez vous me permettre de vous
s. 3
demander un supplément de renseignement?

Pensez-vous que je doive orner la tête d'un diadème, cela me parait un attribut indiqué, sauf avis contraire de votre part.
Que pensez-vous d'un sceptre dans la main, ou bien simplement d'un éventail?

J'ai absolument besoin de votre avis pour cela. Quant au siège impérial, j'ignore s'il est d'une forme particulière. J'attendrai sur ce point vos indications, ainsi que sur le manteau Impérial qui sera un attribut précieux pour le groupement de la figure et du fauteuil attribut destiné a donner de l'ampleur à la composition.
A bientôt donc cher Monsieur et merci encore mille et mille fois de votre bonté et de votre si flatteuse affection; permettez-moi de vous souhaiter à l'occasion de la nouvelle annee toutes les prospérités que vous méritez.
J Gautherin

Merci aussi cher Monsieur pour votre aimable envoy de photographies, toutes sont arrivées en parfait etat, ces renseignements me sont précieux pour obtenir l'allure, le caractère et la ressamblance de l'auguste personne, je regrette seulement; l'absence du profil de son visage mais il est probable qu'il n'en existe pas chez les photographes.